Cyrille Senèze
7 MAI 2025
Artiste originaire de la Haute-Loire en Auvergne, actuellement étudiant à l’ESACM de Clermont-Ferrand. Après avoir quitté l’industrie nucléaire pour se consacrer à l’art contemporain, il travaille également dans le domaine musical
Artiste originaire de la Haute-Loire en Auvergne, actuellement étudiant à l’ESACM de Clermont-Ferrand. Après avoir quitté l’industrie nucléaire pour se consacrer à l’art contemporain, il travaille également dans le domaine musical
À 19 ans, j’ai commencé à faire de la musique avec mon frère. Plus tard, j’ai rencontré un type qui m’a proposé de rejoindre un groupe de chanson française à Clermont-Ferrand. La musique a toujours avancé en parallèle de mes études techniques: j’ai longtemps jonglé entre un travail " sérieux " et l’exploration artistique.
Comment t’es-tu mis à la musique ?
Décris-nous ton parcours
J’ai d’abord étudié les sciences au lycée, puis j’ai obtenu un BTS en conception de produits industriels, avec une spécialisation en microtechnique. Il s’agissait surtout de la création de petites pièces très précises, avec de la conception 3D, du travail du métal et des plastiques, du développement d’un produit jusqu'à sa fabrication.
J’ai grandi dans un petit village de Haute-Loire, dans une famille ouvrière. Mon père était agriculteur et ma mère travaillait à l’usine. J’ai passé mon enfance à apprendre à construire et à réparer des choses avec mon grand-père et mon père, ce qui a éveillé mon envie de créer, et qui influence encore aujourd’hui ma manière de travailler et ma pratique artistique.
Parle-nous de toi
Diapositives, 2024
À cette époque, une discussion avec un artiste m’a beaucoup marqué: il m’a fait comprendre qu’il n’est jamais trop tard pour se lancer dans l’art. J’ai postulé à l’ESACM et j’ai eu la chance d'être pris. Je suis maintenant en troisième année, en route vers mon diplôme national d’art, et je suis plus passionné que jamais.
Comment es-tu arrivé à l’art contemporain ?
En 2019, j’ai quitté mon emploi dans le secteur du nucléaire, mis fin à une relation et acheté une maison à rénover. Tout a changé. J’ai pu prendre du recul sur ma vie et sur mon parcours, et retrouver une vraie curiosité. J’avais besoin de sortir de ma bulle sociale et de rencontrer des gens différents.
Quel a été ton moment de bascule ?
À côté de mon travail, je jouais dans un groupe qui s’appelait Hill Valley. On tournait un peu partout en France. On ne gagnait pas beaucoup, mais on est restés indépendants. On a rencontré de grands labels, mais on n’a jamais signé — on voulait garder notre indépendance.
Parle-nous de ton groupe de musique
En 2008, j’ai commencé à travailler dans l’industrie nucléaire en créant des modèles 3D pour des projets de construction. Pour moi, c'était comme un nouveau terrain de jeu créatif, plein de défis et d’expérimentations possibles.

Je n’avais pas de diplôme d’ingénieur, mais mes employeurs ont vu ma motivation et m’ont progressivement confié davantage de responsabilités. Je suis passé d’un poste junior à celui de chef de projet, avec des budgets allant jusqu'à 30 millions d’euros. C'était un véritable tournant: je viens d’un milieu modeste et j’ai réalisé que j’avais vraiment gravi les échelons.
Qu'est-ce que tu faisais avant de devenir artiste ?
Train, 2024
Dernièrement, j’intègre mon expérience du nucléaire à ma pratique. J’ai construit une machine qui rend la radiation visible et j’explore les possibilités de l’utiliser lors de performances. Je collectionne également des objets radioactifs afin de créer un lien entre mémoire personnelle et histoire nucléaire. Le défi est de montrer tout cela sans être trop didactique.
Parle-nous de ton travail le plus récent
Récemment, j’ai exploré les paysages en photographie: des scènes intérieures et extérieures se mêlant à travers les fenêtres de train, avec la couleur pour souligner les détails.

Dans un autre projet, j’ai utilisé des peaux d’orange rétroéclairées, sur lesquelles j’avais gravé des motifs, et que j’ai présentées comme des diapositives. Lors d’une exposition participative, les visiteurs choisissaient des images que je projetais en racontant des histoires.
Quels sont les thèmes principaux de ton travail ?
Ma pratique est assez large: photographie, dessin, peinture, performance, installation, sculpture, etc. J’adore travailler avec des objets trouvés plutôt qu’acheter du matériel neuf. Il y a un vrai plaisir à redonner une seconde vie à des objets destinés à être jetés.
Avec quels médiums travailles-tu ?
— Il y a un vrai plaisir à redonner une seconde vie à des objets destinés à être jetés.
Inside the cloud chamber, 2024 (Video)
Quels artistes t’inspirent en ce moment ?
En ce moment, je suis obsédé par Tarkovski. Ses films peuvent être lents, voire ennuyeux, mais une seule image, un seul son ou une seule phrase peut te rester en tête pendant des semaines. Avant lui, c'était Kubrick. L’année prochaine, ce sera quelqu’un d’autre.
Quels sont tes endroits préférés à Clermont ?
Les bars. Pas pour le lieu en soi, mais pour ce qui s’y passe. En France, les bars sont des carrefours: on s’y retrouve avant ou après un événement, on y croise des gens par hasard. C’est l’un des rares endroits où les différents cercles artistiques se mélangent avec des gens hors du milieu culturel.
Comment perçois-tu la scène artistique à Clermont ?
Ce n’est pas un grand groupe, mais plusieurs petites bulles: musique, arts visuels, théâtre. Les gens se rendent aux événements des autres, mais collaborent peu. C’est comme s’il y avait plusieurs mondes séparés. Mais pour une petite ville, Clermont a une activité artistique impressionnante.
Je considère ma démarche comme une recherche, pas comme un message. En travaillant sur ce projet, je me pose moi-même des questions sur le rôle du nucléaire. Quand les gens voient mon travail, ils peuvent se faire leur propre opinion — mais je refuse de le réduire à un simple " pour ou contre ".
Pourquoi ne veux-tu pas « prendre position » ?
Cloud Chamber, 2024
onyva_clermont
onyvaclermont@gmail.com
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